Le 10 avril 1991, il est transporté dans le semi-coma à l’hôpital de Vannes. Il s’installe dans une maison de retraite du 14° arrondissement de Paris où il s’éteindra, à presque 91 ans le 3 novembre 1993.
Ses poèmes, les titres de ses romans autant que ses carnets ou ses nouvelles sont comme l’éphéméride des péripéties de son destin, chronologie d’une existence vécue sans précipitation, mais sans retenue non plus. Du travail inlassable de cet homme, toujours en mouvement, toujours sur le départ ( l’Angleterre, les Etats Unis, la Corse, la Bretagne) Maurice Blanchot écrira « qu’il est peu visible, protégé de son invisibilité par une certaine indifférence pour les formes et les techniques nouvelles. »
Henri Thomas a mené parallèlement une œuvre de traducteur considérable. Possédant plusieurs langues, il a traduit Goethe, Jünger, Kleist, Melville, Pouchkine, Shakespeare, Stifter.
Parfait observateur, son « œil » le faisait craindre du monde littéraire auquel il prit une part active s’associant aux destinées des revues 84, la NRF et Obsidiane.
Il a fréquenté et aimé Gide, Paulhan, Artaud, Arland, Pierre Herbart, Gaston Gallimard, Dominique Aury , Marcel Bisiaux, André Dhôtel, Georges Lambrichs.
Henri Thomas est un écrivain, romancier et traducteur français.
BIOGRAPHIE
Henri Thomas est né le 7 décembre 1912 à Anglemont, d'un père paysan ardennais et d'une mère institutrice.
Il ne connaît que sept ans l'équilibre précaire d'une vie familiale harmonieuse, car son père meurt des suites de la première guerre mondiale en janvier 1919.
En 1922, sa mère est nommée à Jeanménil (toujours dans les Vosges).
Il vivra donc une enfance et une adolescence malheureuses, sans père pour guider ses pas, sans homme sur qui s'appuyer.
À 13 ans, il part étudier au collège de Saint-Dié et obtient en 1931, le Premier prix de philosophie au Concours général.
Il fait khâgne à Henri IV, sous le professorat d'Alain.
En 1935, il renonce à Normale et à l'agrégation.
Ces études ne l'intéressent pas, il préfère tenter de trouver un sens à l'existence en écrivant.
En 1940, il fait l'armée pendant que son premier roman Le Seau à charbon paraît.
Il épouse une jeune étudiante en philosophie en 1942, dont il se séparera dix années plus tard.
À la Libération, en 1945, il devient secrétaire littéraire de l'hebdomadaire Terre des Hommes puis part l'année suivante à Londres, pour être traducteur à la B.B.C.
Il y vivra jusqu'en 1958.
Il fonde en 1947 la revue 84, avec notamment André Dhôtel.
Une vie sociale tourmentée ensuite, avec le décès de sa mère en 1951, la naissance de sa fille en 1954, son deuxième mariage en 1957 et le décès de sa deuxième épouse en 1965.
En 1958, il vit pendant deux ans aux États-unis où il enseigne la littérature française dans une université du Massachusetts.
À son retour en France, il travaille comme lecteur des manuscrits de littérature allemande chez Gallimard et continue à passer le meilleur de son temps à la traduction de grands auteurs comme Pouchkine, Shakespeare, Melville, Stifter, Goethe etc.
La Cible reçoit le prix Sainte-Beuve en 1956 mais c'est le Femina de 1961 qui lui assure sa renommée avec Le Promontoire.
En 1978, il fonde la revue Obsidiane, dont le dernier numéro est paru en 1986.
En 1982, il vit à l'île de Houat puis en 1988 à Quiberon dont il s'inspira pour écrire La Joie de cette vie.
Suite à un problème de santé en 1991, il s'installe dans une maison de retraite à Paris où il mourra le 3 novembre 1993.
Distinctions
- Prix Valéry-Larbaud en 1970 pour l'ensemble de son œuvre
- Grand Prix Poncetton de la Société des Gens de Lettres en 1979
- Grand Prix du roman de la Ville de Paris pour l'ensemble de son œuvre ainsi que le Grand Prix de poésie de l'Académie française en 1986
- Prix Supervielle (pour Trézeaux)
- Grand Prix de la Société des Gens de lettres
- Prix Novembre en 1992.
Quelques Œuvres
L'oeuvre de Henri Thomas, dépasse les 50 livres (nouvelles, romans, poèmes, carnets) et grand traducteur de Pouchkine, Shakespeare, Melville, Stifter, Goethe…,
Poésie
- Signe de vie, 1944
- Le monde absent, 1947
- Nul désordre, 1950
- Poésies, 1970, préface de Jacques Brenner. 
- Recueil : Travaux d'aveugle, Signes de vie, Le Monde absent, Nul désordre, Sous le lien du temps.
- Quoi tu penses, 1980
- Joueur surpris, 1982
- Trézeaux, 1989
- Les maisons brûlées, 1994 
Romans
- Le seau à charbon, 1940
- Le précepteur, 1942
- La vie ensemble, 1945
- Les déserteurs, 1951
- La nuit de Londres, 1956
- La dernière année, 1960
- John Perkins suivi d'Un scrupule, 1960
- Le promontoire, 1961
- Le parjure, 1964
- La relique, 1969
- Le croc des chiffonniers, 1985
- Une saison volée, 1986
- Un détour par la vie, 1988
- Le gouvernement provisoire, 1989
- Le goût de l'éternel, 1990
- Ai-je une patrie, 1991
- La Joie de cette vie
- Le Cinéma dans la grange
- Le Poison des images, éditions Le temps qu'il fait
- L'Étudiant au village, éditions Le temps qu'il fait
- L'Ingrat, éditions Le temps qu'il fait
Essais
- La chasse aux trésors, 1961
- Tristan le dépossédé. Tristan Corbière, 1972
DES POEMES
Ce que je vois
Le lilas fleurit sous la lune
Et ce que je vois je le dis:
La fille nue à gorge brune
Dans le lilas m'ouvre son lit
Le lit du torrent m'est ouvert
Et la fille aux genoux polis
Chaque nuit roule vers la mer,
Une vague étouffe ses cris.
C'est là le drame de mes jours,
La nuit revient sans le résoudre,
A la renverse fuit l'amour
Jusqu'à la mer pour se dissoudre
Si je l'attrape je m'éveille,
Si je m'éveille elle est perdue
Ainsi de suite. Est-ce merveille
Si j'ai l'air de tomber des nues?
La nuit venue
La corde vibre avant la fin du jour,
Une poussière environne les pierres,
La corde tremble et la poussière avance
Entre les os dans des espaces vides,
Ainsi l'eau noire envahit les carrières,
Je ne suis plus avec l'herbe et le vent,
J'ai dévié de la courbe infinie
Qui joint les nuits, les jours et les saisons,
Reste ce fil qui vibre sourdement,
Cette poussière émanant des maisons,
Un homme assis sous l'horloge des gares
La voit flotter entre le monde et lui,
La corde vibre au passage des bruits
Comme un insecte abrité dans la cendre,
Dernière voix qui parle sans espoir
Quand s'est vidé l'échafaudage noir,
Guitare d'os sous la main d'un fantôme
Qui se confond à la poussière obscure,
Au lieu du corps vient un fuseau d'étoiles,
Il reconstruit une autre créature.
Les bords du fleuve
Il y a au bord du fleuve
Une fille à robe rouge
Attendant la nuit pour vivre,
Tellement sauvage et belle
Qu'un soleil éblouissant
Marche au milieu de ses rêves,
Il n'a de ciel que ses yeux
Derrière une ombre d'orage
Couvrant l'azur interdit.
Une fille au bord du fleuve
En chemin vers une image
Que le jour ne peut montrer.
Les lampes, l'une après l'autre,
Les lampes prennent sa robe
Et la déchirent sur l'eau,
Mais jamais jusqu'à la chair,
Mais jamais jusqu'au soleil
Barré de chaudes ténèbres.
Partout montent, se confondent,
Des arches de nuit profonde,
Elle est nue, elle est cachée.
La fumée descend dans la rue
La fumée descend dans la rue
Sur la chanteuse infirme
Et l'accordéoniste,
La ville aux naseaux qui fument,
Aux yeux de vitrage et d'ombre,
La ville avec sa crinière de pluie,
La ville incompréhensible,
Est comme une femme assise
Dans une chambre au plafond bas.
Cependant je me mêle aux jeux froids de la nuit,
Pâles foulards noués et défaits sur les parcs,
Vacillement de l'ombre au sommet des toits gris,
Corde rompue, il m'est resté le poids de l'arc.
Les barrières debout dans la neige salie,
Les longues grilles dans la brume de minuit,
Semblent me ramener, au fond des avenues,
Vers une nuit totale et vraiment inconnue,
- Non, c'est la chambre où l'air est comme lézardé
D'anciens malheurs qui se pressent vers la clarté.
La patience éclaire ma chambre,
Hier la brume, demain la neige,
En attendant le dur soleil,
Le pain tendu sur une faulx,
Sur l'acier bleu resté dehors
Durant les nuits du long hiver
(Nommons cela le pain des forts).
J'écouterai le monde obscur,
Appelons cela croire en Dieu,
En Dieu qui marche au fond des murs
Et fait craquer les os de l'arche.
Mais le boiteux des nuits pourries
Tournant l'orgue de Barbarie
Dans la neige sale revient,
Sorti des ombres, comme il crie
Avec sa voix d'hiver ancien,
La dernière offre de la vie!
Vais-je espérer, cette nuit même,
Remonter le filon du temps,
Jusqu'au soleil, jusqu'au baptême.