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(1912-1993)
Poète, romancier, essayiste, traducteur; Henri Thomas a bâti une œuvre abondante et diverse d’une quarantaine d’ouvrages dont certains furent couronnés : La Cible prix Sainte-Beuve 1956, Le promontoire, prix Fémina 1961 ; En 1970 il reçoit le prix Valéry - Larbaud pour l’ensemble de son œuvre. En 1986, l’Académie française lui décerne son grand prix de poésie et il obtient le grand prix du roman de la Ville de Paris. En 1992, un an avant sa mort, il reçoit le prix Supervielle pour Trézeaux, le Grand Prix de la Société des Gens de lettres et le Prix Novembre.
La difficile liberté, voilà ce qui a tôt préoccupé ce Vosgien né le 7 décembre 1912 à Anglemont d’une institutrice et d’un paysan ardennais qui mourra 7 ans plus tard des suites de la guerre. Il fait de brillantes études au collège de Saint-Dié et obtient le premier prix de philosophie au Concours général de 1931. Il aura ALAIN comme professeur au lycée Henri IV. Il renonce à Normale et à l’agrégation en 1935. En avril 1940, tandis qu’il est aux armées paraît son premier roman Le seau à charbon.
En 1946 il part vivre à Londres comme traducteur à la B.B.C. De 1958 à 1960 il séjourne dans le Massachusetts où, avec Yves Bonnefoy et Alain Bosquet, il enseigne la littérature française à l’université de Brandeis.
En 1960 il revient en France comme lecteur des manuscrits de littérature allemande chez Gallimard. En 1982 il part vivre sur l’île de Houat ; le 21 novembre 1984, il déjeune à l’Elysée avec François Mitterand, Ernst Jünger et Michel Tournier.
En 1988 il vit à Quiberon (rue de Kermorvan dans une maisonnette ancienne . Il y écrit "la joir de cette vie" .La joie de cette vie
Éditions Gallimard
collection Le Chemin
« Il n'y a pas de doute : rien n'a été ennuyeux comme une feuille morte qui courait devant nos pas, s'arrêtait avec nous, reprenait sa course, nous effrayait comme un animal, dans le petit chemin de la Messuguière - mais tout ce qui est séparé de nous par la vitre invisible, toujours pareille, toujours accrue du temps est plongé dans la même magie, doué de la même perfection. Corps des filles disparues, vous me soulevez encore en esprit, parfaites. » Henri Thomas
Le 10 avril 1991, il est transporté dans le semi-coma à l’hôpital de Vannes. Il s’installe dans une maison de retraite du 14° arrondissement de Paris où il s’éteindra, à presque 91 ans le 3 novembre 1993.
Ses poèmes, les titres de ses romans autant que ses carnets ou ses nouvelles sont comme l’éphéméride des péripéties de son destin, chronologie d’une existence vécue sans précipitation, mais sans retenue non plus. Du travail inlassable de cet homme, toujours en mouvement, toujours sur le départ ( l’Angleterre, les Etats Unis, la Corse, la Bretagne) Maurice Blanchot écrira « qu’il est peu visible, protégé de son invisibilité par une certaine indifférence pour les formes et les techniques nouvelles. »
Henri Thomas a mené parallèlement une œuvre de traducteur considérable. Possédant plusieurs langues, il a traduit Goethe, Jünger, Kleist, Melville, Pouchkine, Shakespeare, Stifter.
Parfait observateur, son « œil » le faisait craindre du monde littéraire auquel il prit une part active s’associant aux destinées des revues 84, la NRF et Obsidiane.
Il a fréquenté et aimé Gide, Paulhan, Artaud, Arland, Pierre Herbart, Gaston Gallimard, Dominique Aury , Marcel Bisiaux, André Dhôtel, Georges Lambrichs.
merci à www.radiofrance.fr pour ce texte
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extraits d'un interview accordé au Monde :
« Un roman ça commence par le bruit d'une porte qui s'ouvre ou qui se ferme. Il ne doit pas y avoir d'exposition. C'est pour Balzac les expositions. Je débute par le geste d'un personnage, un geste qui me surprend. L'important, surtout c'est la scène capitale, le centre invisible qui attire l'esprit quand il s'éloigne. Même dans ce qui n'est pas un roman comme la Joie de cette vie. Le centre, c'est l'hôtel abandonné. Je vivais dans un hôtel qui allait fermer. J'étais le dernier client. L'automne finissait, il y avait une tempête et j'étais seul. Je me disais que je trouverais là des idées qui seraient mon secret. Mais je ne les ai pas trouvées. / Ça donnera peut-être un roman ? / Non, ce n'est guère possible. C'était une idée trop bizarre sur l'instant. Le monde se réduit pour nous à un instant, à ce que nous en percevons. Le mot allemand Augenblick me paraît plus expressif : le temps d'un coup d'oeil. » Puis ceci, plus loin : « Baudelaire pense que la fin du monde a eu lieu mais que nous ne nous en sommes pas aperçus. C'est peut-être vrai. Qu'est-ce que c'est, exister ? Nous sommes des ombres et parfois des ombres chinoises. »
autre biographie tirée du site
- Prix Valéry-Larbaud en 1970 pour l'ensemble de son œuvre
- Grand Prix Poncetton de la Société des Gens de Lettres en 1979
- Grand Prix du roman de la Ville de Paris pour l'ensemble de son œuvre ainsi que le Grand Prix de poésie de l'Académie française en 1986
- Prix Supervielle (pour Trézeaux)
- Grand Prix de la Société des Gens de lettres
- Prix Novembre en 1992.
- Signe de vie, 1944- Le monde absent, 1947- Nul désordre, 1950- Recueil : Travaux d'aveugle, Signes de vie, Le Monde absent, Nul désordre, Sous le lien du temps.- Quoi tu penses, 1980- Joueur surpris, 1982- Trézeaux, 1989
- Le seau à charbon, 1940- Le précepteur, 1942- La vie ensemble, 1945- Les déserteurs, 1951- La nuit de Londres, 1956- La dernière année, 1960- John Perkins suivi d'Un scrupule, 1960- Le promontoire, 1961- Le parjure, 1964- La relique, 1969- Le croc des chiffonniers, 1985- Une saison volée, 1986- Un détour par la vie, 1988- Le gouvernement provisoire, 1989- Le goût de l'éternel, 1990- Ai-je une patrie, 1991- La Joie de cette vie- Le Cinéma dans la grange- Le Poison des images, éditions Le temps qu'il fait- L'Étudiant au village, éditions Le temps qu'il fait- L'Ingrat, éditions Le temps qu'il fait
- La chasse aux trésors, 1961- Tristan le dépossédé. Tristan Corbière, 1972
Le lilas fleurit sous la luneEt ce que je vois je le dis:La fille nue à gorge bruneDans le lilas m'ouvre son litLe lit du torrent m'est ouvertEt la fille aux genoux polisChaque nuit roule vers la mer,Une vague étouffe ses cris.C'est là le drame de mes jours,La nuit revient sans le résoudre,A la renverse fuit l'amourJusqu'à la mer pour se dissoudreSi je l'attrape je m'éveille,Si je m'éveille elle est perdueAinsi de suite. Est-ce merveilleSi j'ai l'air de tomber des nues?
La corde vibre avant la fin du jour,Une poussière environne les pierres,La corde tremble et la poussière avanceEntre les os dans des espaces vides,Ainsi l'eau noire envahit les carrières,Je ne suis plus avec l'herbe et le vent,J'ai dévié de la courbe infinieQui joint les nuits, les jours et les saisons,Reste ce fil qui vibre sourdement,Cette poussière émanant des maisons,Un homme assis sous l'horloge des garesLa voit flotter entre le monde et lui,La corde vibre au passage des bruitsComme un insecte abrité dans la cendre,Dernière voix qui parle sans espoirQuand s'est vidé l'échafaudage noir,Guitare d'os sous la main d'un fantômeQui se confond à la poussière obscure,Au lieu du corps vient un fuseau d'étoiles,Il reconstruit une autre créature.
Il y a au bord du fleuveUne fille à robe rougeAttendant la nuit pour vivre,Tellement sauvage et belleQu'un soleil éblouissantMarche au milieu de ses rêves,Il n'a de ciel que ses yeuxDerrière une ombre d'orageCouvrant l'azur interdit.Une fille au bord du fleuveEn chemin vers une imageQue le jour ne peut montrer.Les lampes, l'une après l'autre,Les lampes prennent sa robeEt la déchirent sur l'eau,Mais jamais jusqu'à la chair,Mais jamais jusqu'au soleilBarré de chaudes ténèbres.Partout montent, se confondent,Des arches de nuit profonde,Elle est nue, elle est cachée.
La fumée descend dans la rueSur la chanteuse infirmeEt l'accordéoniste,La ville aux naseaux qui fument,Aux yeux de vitrage et d'ombre,La ville avec sa crinière de pluie,La ville incompréhensible,Est comme une femme assiseDans une chambre au plafond bas.Cependant je me mêle aux jeux froids de la nuit,Pâles foulards noués et défaits sur les parcs,Vacillement de l'ombre au sommet des toits gris,Corde rompue, il m'est resté le poids de l'arc.Les barrières debout dans la neige salie,Les longues grilles dans la brume de minuit,Semblent me ramener, au fond des avenues,Vers une nuit totale et vraiment inconnue,- Non, c'est la chambre où l'air est comme lézardéD'anciens malheurs qui se pressent vers la clarté.La patience éclaire ma chambre,Hier la brume, demain la neige,En attendant le dur soleil,Le pain tendu sur une faulx,Sur l'acier bleu resté dehorsDurant les nuits du long hiver(Nommons cela le pain des forts).J'écouterai le monde obscur,Appelons cela croire en Dieu,En Dieu qui marche au fond des mursEt fait craquer les os de l'arche.Mais le boiteux des nuits pourriesTournant l'orgue de BarbarieDans la neige sale revient,Sorti des ombres, comme il crieAvec sa voix d'hiver ancien,La dernière offre de la vie!Vais-je espérer, cette nuit même,Remonter le filon du temps,Jusqu'au soleil, jusqu'au baptême.